mercredi 7 octobre 2009

Arbitrage

Il y a deux siècles, Thomas Jefferson, chef d’Etat américain, disait que «dans la presse, seules les publicités disent la vérité».
Ce verdict aussi vieux que le nouveau monde est révélateur de la tension ancestrale entre la presse et l’establishment. Rien de surprenant dans un tel constat. Les hommes de la presse auraient rendu la monnaie de sa pièce à Jefferson avec autant de soins. Les politiques autant que les journalistes n’ont pas toujours eu les faveurs des lecteurs et des électeurs.

En Algérie, la citation prendrait un autre sens : un canard aujourd’hui pèse beaucoup plus par sa publicité. L’ultime vérité qui rassure autant le patron que les journalistes sur leur devenir.
Certes, les rapports entre presse et pouvoirs concourent à susciter des suspicions quant à la manipulation autour de la manne publicitaire étatique.

Toutefois, les annonceurs privés, dont le poids énorme dans la sphère médiatique n’est plus à démontrer, adoubent des médias dits conscients que ceux qualifiés de fauteurs de troubles.

En Algérie, la presse ne brille pas forcément par son contenu. Derrière le décor rutilant d’une réussite exhibée par une poignée de journaux se cachent des nuits de compromissions, de calculs, de dribbles et de feintes qui ont faussé toutes les règles du marketing moderne.
Il n’est plus besoin d’être bardé de diplômes en gestion pour faire du profit, il suffirait d’afficher pâte blanche afin d’éviter le coup de ciseaux qui pourrait bien couper des jarrets. Le Jeune Indépendant en a fait l’amère expérience pendant quatre longues et douloureuses années.

Et c’est une aspiration bien légitime que de désirer une aisance financière. L’argent est la clef de la puissance et de l’assurance. Une arme à brandir face aux pressions et aux compromissions. Cependant, une telle option n’est point une garantie. Beaucoup s’y croyaient intouchables et ont fini par craquer comme un château de cartes. La puissance de l’Etat est inimaginable et ses coups de rapière sont souvent fatales.

Aujourd’hui, la presse algérienne traduit une réalité dont elle est la copie sui generis ou une copie conforme, qu’elle soit acceptable ou détestable. La presse nationale est ainsi fertile en paradoxes, mais la condition journalistique exige d’être sérieusement révisée loin du choc des corporatismes et de l’archaïsme des discours idéologiques.

Toutefois, la raison la plus austère suggère qu’autant la presse et l’establishment ont besoin d’un arbitrage permanent pour qu’ils arrivent à composer ensemble loin de la diatribe et de la manipulation.
K. M.