vendredi 22 mai 2009

La ville d’Obama conquise par les Algériens

Du quartier La Montagne à Chicago, le coup de loterie réussi

De Chicago, Kamel Mansari (3 Novembre , 2008)

Ils sont plus de 1 100 Algériens établis à Chicago et un peu plus dans tout l’Illinois, l’Etat du candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama, qui sera probablement, ce soir, le premier Noir à gouverner les Etats-Unis et aussi le premier dans l’histoire de l’Occident.

La majorité des Algériens établis dans cette ville du Midway sont issus d’Alger et de l’est du pays. Le célèbre quartier algérois La Montagne, situé entre Bachdjerrah et El-Harrach, a fourni à la ville un important contingent d’immigrants, tous des jeunes. Les anciens de La Montagne sont talonnés par de nombreux transfuges de la ville de Zemmoura, dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj, que le hasard de la loterie a jetés sur les rives du lac Michigan.
Les Algériens de Chicago se fondent dans cette foule de près de 9 millions d’habitants que compte la troisième ville des Etats-Unis, la plus importante après New York.

Beaucoup ne font pas partie de ces «cracks» que l’Algérie exportait autrefois, malgré elle, vers la plus grande puissance mondiale. Beaucoup sont des chauffeurs de taxi, des employés dans la restauration ou les hôtels, des vendeurs, tandis que d’autres ont carrément effectué une fulgurante ascension pour devenir des hommes d’affaires, à l’image d’Abdelhamid Chaïb, surnommé «Al», originaire de Souk Ahras, qui a acheté une franchise de la célèbre chaîne internationale de restauration et de libre service chinoise Panda Express.

Il y a aussi Yahi, patron d’une usine de produits en plastique à Chicago, qui emploie quelque 60 personnes. Sa société est présente à Oued Smar, dans la banlieue d’Alger, et en Suisse. Yahi, 46 ans, compte aussi investir en Grande-Bretagne et en France. Il y a aussi l’exemple de Hassan Techerafi, un lauréat de la loterie de 1997, qui a commencé à faire des petits boulots, lui l’ingénieur en Algérie, avant de se frayer un chemin pour devenir manager d’une société de parkings. Hassan, qui travaille à Evanston, a réussi à obtenir la nationalité américaine, octroyée après cinq ans de résidence dans le pays.

«Beaucoup d’Algériens ont opté pour la nationalité américaine afin d’éviter les tracas lorsqu’ils transitent par l’Europe», explique-t-il.

Elston, le quartier des Algériens

C’est dans le quartier d’Elston, dans le nord de Chicago, que la plupart des Algériens se rencontrent. C’est devenu leur "houma" entourée de quartiers à fortes communautés arabes, principalement palestinienne, syrienne, marocaine et égyptienne, à Kedzie, Hamlin et Lawrence. Ils se donnent rendez-vous au "Tassili", un restaurant ouvert il y a cinq ans et qui était le premier dans la ville des tristement célèbres mafiosi des années 20 du siècle dernier, Al Capone et Joe Dillinger, ou au "Couscous House", un autre restaurant ouvert il y a un an.

Ces deux établissements sont distants l’un de l’autre de quelque 40 mètres sur le même trottoir. Ils sont séparés par le Centre islamique qui sert aussi de lieu de prière. Une boulangerie tenue par une famille algérienne est venue s’ajouter au décor du quartier.

"La Pomera" rappelle aux Algériens le millefeuille, le croissant, mais aussi le pain de son, de seigle et, tenez-vous bien, le matlou3, le pain maison et les mhadjeb qui constituent des musts pour les Algériens qui viennent en acheter en grande quantité. «Pendant les fêtes et le ramadan, on y trouve toutes sortes de gâteaux traditionnels tels les maqrouts, etcharak ou ghribya, assure Youcef, un vendeur originaire de Boghni, qui a débarqué aux Etats-Unis il y a 7 mois, après avoir été tiré à la loterie en 2007. Ce propriétaire a lancé un site Internet pour vanter les produits algériens et prendre commande auprès de ses clients.

Au "Tassili", qui fait aussi office de restaurant, on sert des plats exclusivement algériens avec viande halal de toutes les régions d’Algérie, sans compter le couscous.
«C’est ici que j’ai découvert des plats de l’Ouest et de l’Est algériens», affirme Mourad, un chauffeur de taxi originaire de Soustara, dans la Haute-Casbah d'Alger. Les chauffeurs de taxi sont les grands habitués de ce restaurant dont le chef, Hamid, essaye de faire plaisir à tout le monde pour les concilier avec leurs plats favoris, surtout pour ceux qui vivent seuls et ne savent pas cuisiner.

Le café «goudron», le foot italien et Obama

De plus, les Algériens y viennent aussi pour siroter un café dans du «verre marché», comme ceux que l’on trouve dans les cafés du bled. «Les verres ont été ramenés d’Algérie, car un Algérien ne peut déguster un café bien serré que dans un verre comme ceux que l’on trouve à Alger et ailleurs», lance Mohamed Djeddour, cogérant du café établi aux Etats-Unis depuis 29 ans. «Pas question de boire du café dans un gobelet ou dans une autre tasse fusse-t-elle en porcelaine», précise Abdelkader, un habitué de l’endroit, pour rappeler qu’un café n’a aucun goût s’il est servi dans un autre verre.
«J’aime bien venir parce que je m’imprègne, quelque peu, de l’ambiance du pays. Ici, on me sert mon café comme il se doit. Difficile de le demander ailleurs car le café aux Etats-Unis est trop léger et n’a le moindre goût», ajoute-t-il. Même l’espresso italien n’est pas du goût des Algériens qui lui préfèrent le café «goudron», un café court et extrêmement fort.

Au "Tassili", le café est bu pendant que l’on regarde Canal Algérie – qui sert de lien visuel avec le pays – ou la chaîne de sport ESPN, pour suivre le Calcio( championnat italien de football) ou la Ligua (championnat espagnol).
Ils savent tout du pays, à la moindre dernière nouvelle. L’Internet et les téléphones mobiles ont largement réduit la distance entre Alger et Chicago. Mais ces supports ne sont d’aucune utilité, s’agissant des contacts entre les Algériens des Etats-Unis. «Il n’y a pas d’association vraiment active qui prenne en charge les préoccupations de la diaspora algérienne aux Etats-Unis», regrette Abdelkrim Belkhous, un informaticien originaire de Sig.

Selon les chiffres fournis par l’Institut des statistiques, quelque 23 000 Algériens sont, officiellement, installés aux Etats-Unis, soit une minorité, mais en progression par rapport aux années 1980. Grâce à la loterie qui a apporté, depuis 1993, une dizaine de milliers d’Algériens au marché américain de l’immigration, la communauté algérienne ne cesse de croître depuis les 16 "ingénieurs" algériens recrutés entre 1820 et 1830 pour les chantiers navales aux Etats-Unis pour, selon les archives de l’immigration américaine. Leur nostalgie de l’Algérie dans ce café d’Elston ne fait pas perdre de vue à la diaspora algérienne la présidentielle américaine entre Obama et McCain.

Ils affirment tous avoir voté pour l’enfant de Chicago en raison de la situation économique du pays dont les Algériens, tout comme le reste du peuple américain, ont subi péniblement les conséquences. Le scrutin a commencé il y a deux semaines. Beaucoup d’Algériens ont perdu leur emploi dans ce pays où le contrat de travail n’existent pas, sans parler de la politique sociale quasiment inexistante. Sauf imprévu, le choix électoral des Algériens devrait se confirmer lundi à partir de 19h, heure de Washington, prévue pour l’annonce officielle des résultats. K. M.

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